Originalité de la démarche de l’historien
Paru en 1964, un an avant le procès de Jérusalem, cet ouvrage est considéré comme une œuvre historique originale et novatrice puisque Léon Poliakov conjugue histoire et mémoire. L’auteur, membre de la délégation française qui a participé au procès, est le premier auteur à avoir créé une œuvre historique sous forme de recueil de documents d’archives. De plus, il y distingue parfaitement les deux aspects du camp : lieu de mort et l lieu de vie, ce qui pour l’époque est une nouveauté. Effectivement, la majorité des Juifs étaient mis à mort dès leur arrivée. Les autres détenus allaient travailler dans les usines et les firmes allemandes comme par exemple Krupp, installés sur le territoire du camp. Poliakov s’appuie des documents d’archive concernant chaque aspect du camp
Auschwitz est un lieu de mort
• Pour les « sous-hommes »
A la page 21, on trouve un discours de Himmler, chef suprême des SS, décrivant « l’idéal de vertu de leur confrérie » et méprisant les races inférieures : « que cent femmes russes tombent d’épuisement en creusant un fossé anti-char, cela m’est totalement indifférent. »
Aux pages 30 et 31, l’auteur explique l’organisation des déportations.
Il évoque aussi la mentalité des SS qui ont « soif de mal », c'est-à-dire qui jouissent des souffrances infligées à autrui. Il donne quelques exemples de punitions. Il existe des punitions dites « classiques » comme donner des coups de bâton sur les reins des détenus, leur faire faire de la gymnastique au beau milieu de la nuit ( se mettre à plat ventre et se relever pendant des heures). Adolf Rey, caporal SS aimait « beaucoup son travail » et se consacrait à son métier de bourreau avec passion et enthousiasme. Cette perversité sadique semait la terreur dans le territoire du camp.
• Dans les chambres à gaz
Cependant, le plus poignant reste sa description de l’avant gazage constitué de quelques témoignages poignants de Juifs sachant ce qui était sur le point de leur arriver : « vous n’avez donc pas de cœur » ; « l’Allemagne le paiera cher » ou encore une jeune femme juive s’adressant aux SS « J’espère que cela ira vite. Adieu. ». D’autres n’admettent pas et refusent catégoriquement de croire en l’existence d’une solution finale : « Frères juifs ! Ne croyez pas qu’on nous conduit à la mort. Il est inconcevable que des milliers d’innocents soient promus brusquement à une mort terrible, cela est impossible ! (…) »
C’est le SS Fritsch qui eut l’idée de l’extermination par « le cyclone B » qui se présentait sous forme de cristaux d’acide prussique. La première expérience en 1941 sur des prisonniers russes étant satisfaisante, la méthode a été retenue. Les firmes allemandes Testa et Degesch produisirent donc le gaz en énorme quantité : « 7 tonnes en 1942 puis 12 tonnes en 1943 » (page 54).
• Et les crématoires
Le problème technique qui se posait aux nazis était double : enterrer ou brûler les corps ? Comment faire disparaître les corps au fur et à mesure du gazage. En 1942, les quatre grands fours furent construits, toujours avec la complicité et l’aide des firmes allemandes (Topf et fils).
Léon Poliakov décrit les crématoires à la page 63 : « Les crématoires II et III avaient ensemble trente creusets et pouvaient ensemble incinérer 350 cadavres par heure ». Il ajoute même : « Ils pouvaient engloutir au total 5000 cadavres en 24 heures ». Paradoxalement, on apprend, grâce à une lettre du commandant d’Auschwitz Hoess à la page 65, que 1300 plantes destinées à entretenir les fours ont été fournies.
Auschwitz est aussi un lieu de « survie »
• Une ville avec toutes ses infrastructures
Le camp a, en effet tout d’une ville : rues, baraquements, orchestre, restaurant, bordel, médecins, hôpital. Là sont donc parqués et surveillés les détenus qui ont échappé à la sélection à l’arrivée ou à celle qui sont opérée régulièrement quand il faut faire de la place dans le camp. Ces esclaves sont employés dans les usines environnantes.
Pendant la guerre, Auschwitz était un haut lieu de l’eugénisme. A la page 145, on apprend que le Docteur Joseph Mengele, médecin chef surnommé l’ « ange de la mort », faisait des expériences sur les personnes malformées telles que les nains ou encore les bossus. Mais les cobayes qui intéressaient le plus les médecins étaient les jumeaux qui, selon eux, permettaient de résoudre le secret de la multiplicité raciale. Le projet était donc que, dans l’avenir, chaque mère allemande accouche autant que possible de jumeaux dans le but de multiplier la race aryenne et, parallèlement, de stériliser en masse les races inférieures avec des rayons X.
• Un lieu où l’on tente de survivre et de résister
La résistance et la solidarité faisaient également partie du quotidien des détenus. L’opposition hitlérienne ne s’est développée dans les camps nazis que parmi les détenus très combatifs (surtout les communistes allemands placés à des postes de responsabilité et en conséquence mieux nourris. L’organisation se faisait par petits groupes d’entre aide afin d’assurer la survie du mieux possible (fraude de médicaments, partage de la nourriture…) C’est ainsi que la révolte du Sonder Kommando a eu lieu. Des détenus ont effectivement réussi à incendier et à faire sauter un des fours crématoires. Un kapo allemand a été jeté vivant dans les flammes et quatre SS ont été tués ce jour-là. Les détenus ont ensuite fait sauter les clôtures et se sont évadés par centaines. Ce soulèvement constitue un évènement exceptionnel et symbolique puisque les SS, coupables, furent tués à l’endroit même où des millions d’innocents ont péri.
• Un vaste entrepôt de tous les biens juifs
Le lieu de « vie » est également caractérisé par une industrie de collecte des biens des déportés stockés à « Kanada », trente baraques. Pour Kitty Hart, survivante déportée, « notre travail consistait à trier les biens des gens qui avaient été gazés et incinérés » (page 67). Chaque baraque regroupait des biens différents (vêtements, cheveux, paires de lunettes, valises, etc.). Des camions partaient tous les jours pour livrer en Allemagne ces biens volés. Les pages 76 et 77 du chapitre « l’industrie de la mort » met en évidence la comptabilité des objets récupérés par les nazis. Ainsi, le butin des nazis expédié en Allemagne au mois d’ avril 1933 se composait de :
- 130 000 lames de rasoir
- 94 000 pièces de montres d’hommes
- 33 000 pièces de montres de femmes
- 39 000 stylos
- 3 500 portefeuilles
- 14 000 ciseaux de toutes sortes
En conclusion, on peut donc dire que Léon Poliakov a bien clairement distingué les deux aspects du camp : d’un côté le camp d’extermination, le lieu de la mort rapide et le camp de concentration où on y trouve le lieu de « vie », de « travail », de « recherche » médicale, c’est- à dire le camp de mort lente, comme l’a bien révélé, quelques mois plus tôt le procès de Jérusalem.
Paru en 1964, un an avant le procès de Jérusalem, cet ouvrage est considéré comme une œuvre historique originale et novatrice puisque Léon Poliakov conjugue histoire et mémoire. L’auteur, membre de la délégation française qui a participé au procès, est le premier auteur à avoir créé une œuvre historique sous forme de recueil de documents d’archives. De plus, il y distingue parfaitement les deux aspects du camp : lieu de mort et l lieu de vie, ce qui pour l’époque est une nouveauté. Effectivement, la majorité des Juifs étaient mis à mort dès leur arrivée. Les autres détenus allaient travailler dans les usines et les firmes allemandes comme par exemple Krupp, installés sur le territoire du camp. Poliakov s’appuie des documents d’archive concernant chaque aspect du camp
Auschwitz est un lieu de mort
• Pour les « sous-hommes »
A la page 21, on trouve un discours de Himmler, chef suprême des SS, décrivant « l’idéal de vertu de leur confrérie » et méprisant les races inférieures : « que cent femmes russes tombent d’épuisement en creusant un fossé anti-char, cela m’est totalement indifférent. »
Aux pages 30 et 31, l’auteur explique l’organisation des déportations.
Il évoque aussi la mentalité des SS qui ont « soif de mal », c'est-à-dire qui jouissent des souffrances infligées à autrui. Il donne quelques exemples de punitions. Il existe des punitions dites « classiques » comme donner des coups de bâton sur les reins des détenus, leur faire faire de la gymnastique au beau milieu de la nuit ( se mettre à plat ventre et se relever pendant des heures). Adolf Rey, caporal SS aimait « beaucoup son travail » et se consacrait à son métier de bourreau avec passion et enthousiasme. Cette perversité sadique semait la terreur dans le territoire du camp.
• Dans les chambres à gaz
Cependant, le plus poignant reste sa description de l’avant gazage constitué de quelques témoignages poignants de Juifs sachant ce qui était sur le point de leur arriver : « vous n’avez donc pas de cœur » ; « l’Allemagne le paiera cher » ou encore une jeune femme juive s’adressant aux SS « J’espère que cela ira vite. Adieu. ». D’autres n’admettent pas et refusent catégoriquement de croire en l’existence d’une solution finale : « Frères juifs ! Ne croyez pas qu’on nous conduit à la mort. Il est inconcevable que des milliers d’innocents soient promus brusquement à une mort terrible, cela est impossible ! (…) »
C’est le SS Fritsch qui eut l’idée de l’extermination par « le cyclone B » qui se présentait sous forme de cristaux d’acide prussique. La première expérience en 1941 sur des prisonniers russes étant satisfaisante, la méthode a été retenue. Les firmes allemandes Testa et Degesch produisirent donc le gaz en énorme quantité : « 7 tonnes en 1942 puis 12 tonnes en 1943 » (page 54).
• Et les crématoires
Le problème technique qui se posait aux nazis était double : enterrer ou brûler les corps ? Comment faire disparaître les corps au fur et à mesure du gazage. En 1942, les quatre grands fours furent construits, toujours avec la complicité et l’aide des firmes allemandes (Topf et fils).
Léon Poliakov décrit les crématoires à la page 63 : « Les crématoires II et III avaient ensemble trente creusets et pouvaient ensemble incinérer 350 cadavres par heure ». Il ajoute même : « Ils pouvaient engloutir au total 5000 cadavres en 24 heures ». Paradoxalement, on apprend, grâce à une lettre du commandant d’Auschwitz Hoess à la page 65, que 1300 plantes destinées à entretenir les fours ont été fournies.
Auschwitz est aussi un lieu de « survie »
• Une ville avec toutes ses infrastructures
Le camp a, en effet tout d’une ville : rues, baraquements, orchestre, restaurant, bordel, médecins, hôpital. Là sont donc parqués et surveillés les détenus qui ont échappé à la sélection à l’arrivée ou à celle qui sont opérée régulièrement quand il faut faire de la place dans le camp. Ces esclaves sont employés dans les usines environnantes.
Pendant la guerre, Auschwitz était un haut lieu de l’eugénisme. A la page 145, on apprend que le Docteur Joseph Mengele, médecin chef surnommé l’ « ange de la mort », faisait des expériences sur les personnes malformées telles que les nains ou encore les bossus. Mais les cobayes qui intéressaient le plus les médecins étaient les jumeaux qui, selon eux, permettaient de résoudre le secret de la multiplicité raciale. Le projet était donc que, dans l’avenir, chaque mère allemande accouche autant que possible de jumeaux dans le but de multiplier la race aryenne et, parallèlement, de stériliser en masse les races inférieures avec des rayons X.
• Un lieu où l’on tente de survivre et de résister
La résistance et la solidarité faisaient également partie du quotidien des détenus. L’opposition hitlérienne ne s’est développée dans les camps nazis que parmi les détenus très combatifs (surtout les communistes allemands placés à des postes de responsabilité et en conséquence mieux nourris. L’organisation se faisait par petits groupes d’entre aide afin d’assurer la survie du mieux possible (fraude de médicaments, partage de la nourriture…) C’est ainsi que la révolte du Sonder Kommando a eu lieu. Des détenus ont effectivement réussi à incendier et à faire sauter un des fours crématoires. Un kapo allemand a été jeté vivant dans les flammes et quatre SS ont été tués ce jour-là. Les détenus ont ensuite fait sauter les clôtures et se sont évadés par centaines. Ce soulèvement constitue un évènement exceptionnel et symbolique puisque les SS, coupables, furent tués à l’endroit même où des millions d’innocents ont péri.
• Un vaste entrepôt de tous les biens juifs
Le lieu de « vie » est également caractérisé par une industrie de collecte des biens des déportés stockés à « Kanada », trente baraques. Pour Kitty Hart, survivante déportée, « notre travail consistait à trier les biens des gens qui avaient été gazés et incinérés » (page 67). Chaque baraque regroupait des biens différents (vêtements, cheveux, paires de lunettes, valises, etc.). Des camions partaient tous les jours pour livrer en Allemagne ces biens volés. Les pages 76 et 77 du chapitre « l’industrie de la mort » met en évidence la comptabilité des objets récupérés par les nazis. Ainsi, le butin des nazis expédié en Allemagne au mois d’ avril 1933 se composait de :
- 130 000 lames de rasoir
- 94 000 pièces de montres d’hommes
- 33 000 pièces de montres de femmes
- 39 000 stylos
- 3 500 portefeuilles
- 14 000 ciseaux de toutes sortes
En conclusion, on peut donc dire que Léon Poliakov a bien clairement distingué les deux aspects du camp : d’un côté le camp d’extermination, le lieu de la mort rapide et le camp de concentration où on y trouve le lieu de « vie », de « travail », de « recherche » médicale, c’est- à dire le camp de mort lente, comme l’a bien révélé, quelques mois plus tôt le procès de Jérusalem.
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