Un rescapé témoigne
Robert ANTELME a écrit ce livre en mémoire de sa sœur Marie- Louise déportée et morte en Allemagne. Il y relate aussi son expérience personnelle au sein du camp. En effet l’auteur, qui est ici aussi le narrateur, fut tout comme sa sœur, déporté. Arrêté comme résistant en juin 1944, il fut envoyé à Buchenwald puis à Gandersheim et enfin à Dachau et c’est ainsi, en tant que victime, qu’il témoigne de l’absurdité et de l’atrocité du camp de concentration. C’est donc à travers les yeux de l’auteur que nous observons la vie dans les camps. Ce livre reflète bien la différence entre un camp d’extermination, où la mort survient en particulier par élimination physique (chambres à gaz, fusillades, fours crématoires…) et un camp de concentration où la mort cette fois ci survient de manière lente, peut être même encore plus douloureuse moralement par rapport à un camp d’extermination du fait de la durée. La mort ici est effectivement causée par le travail pénible et physique en particulier mais aussi par la faim, le froid, le manque d’hygiène (l’insalubrité), les maladies. On pourrait tout simplement parler d’une mort due essentiellement à l’exténuation et à l’attente de la libération qui ne vient pas. Le déporté dans le camp de concentration est non seulement tué physiquement mais aussi moralement.
Première partie : le sentiment d’abandon du déporté au camp de Gandersheim
Tout d’abord dans la première partie, le narrateur est dans le camp nommé Gandersheim. C’est un moment du livre où l’on voit comment l’on voulait faire du déporté un sous- homme ou plutôt cette partie nous révèle comment l’on voulait lui faire admettre son infériorité, la lui faire accepter. C’est dans ce contexte de survie en tant qu’homme pour ne pas oublier qui il est que chacun dans le camp mène sa lutte, son combat. Cette majeure partie du livre nous fait voir que l’instinct de survie réveille son côté égoïste, on pourrait parler d’un «chacun pour soi ». De sorte que, confronté à la mort, va s’établir (à travers le mépris, la rivalité et la domination) une hiérarchie entre les déportés. Certains déportés cherchant effectivement à « plaire » au SS en méprisant, en dominant les « copains », pour montrer qu’il valent mieux que les autres détenus. Toutefois subsiste une faible solidarité entre les déportés en lien avec leur nationalité ; on trouve effectivement tout au long du texte « les Français », « les Polonais », « les Italiens », « les Russes »…. Mais on peut aussi reconnaître un lien qui s’établit entre ces hommes du fait du nouveau statut imposé et partagé de « déporté ».
De plus cette partie nous révèle la misère du déporté, misère « cachée » au monde extérieur. Certains sont effectivement au courant de ce qui se passe dans le camp mais préfèrent se taire. En effet, l’homme libre ne veut pas savoir l’existence du camp même s’il en a tout de même la capacité, la possibilité, par lâcheté ou par peur. De telle manière que finalement il se contente d’accepter ce fait. Il se fait ainsi le complice du SS, en étant autant coupable que lui. Quant au déporté son espoir s’affaiblit progressivement jusqu’à s’éteindre dans la mort. Mais à la fin de cette première partie, cet espoir commence à renaître avec l’arrivée des alliés annoncée par les coups de canons dans la nuit du 4 avril.
Deuxième partie : la route ou l’espoir mais pas pour tous
C’est sur cette voie que nous en arrivons à la deuxième partie dont le titre est « La route ». L’approche des alliés observée à la fin de la première partie provoque l’évacuation du camp. Tout cela car les nazis ne veulent pas dévoiler la réalité du camp. Le SS veut rester responsable du déporté jusqu’à la « fin ». Une fin qui peut « sur la route » s’avérer être ou la mort ou la libération. On peut voir ce fait sous l’angle soit d’une délocalisation de l’appareil concentrationnaire ou soit sous l’aspect d’un maintien d’otages.
La non assurance de sa libération va ainsi faire naître chez le déporté une nouvelle peur. Une nouvelle angoisse due au fait qu’il pourrait être tué à tout moment. Cette angoisse va tout d’abord se concrétiser par l’élimination physique des malades, des faibles et des invalides (P227 « les tuberculeux » font partie des déportés éliminés). On élimine en effet celui qui pourrait retarder la fuite du SS. Cette élimination révèle à ce moment du texte la faiblesse morale du déporté. L’on aurait pu croire possible une rébellion de la part de l’ensemble des déportés mais l’exécution des malades avant l’évacuation n’a étonnement suscité aucune réaction. Cela est probablement dû à l’exténuation physique et morale du déporté. D’autant plus que sur la « route » aura lieu d’autres éliminations ces fois ci tout simplement voulues par les « responsables ». Des éliminations qui s’opèrent par de simples sélections. On pourrait dire que le SS veut emporter le déporté dans sa défaite.
Sur « la route », le déporté demeure, dans la faim qui est encore plus pénible qu’au camp, mais aussi dans l’ignorance du temps. Il n’a en effet aucun repère temporel ni spatial. Sur la route, entre les kilomètres à pieds, la faim, le froid, l’exténuation, le déporté n’a d’autres choix que de s’abandonner à la mort. L’évacuation a commencé à Gandersheim le 4 avril et se termine à Dachau le 27 avril en passant par Bitterfeld le 14 avril. Soit 23 jours de fuite dans la faim, la fatigue, la saleté ; tout cela en côtoyant la mort. Les déportés voient en effet le copain mourir de l’attente, c'est-à-dire l’attente d’être libéré en passant 13 jours entassés dans les wagons d’un train sur la route de Bitterfeld.
Troisième partie : la libération, la solitude
La route de Bitterfeld à Dachau nous amène à la dernière partie du livre, « La fin ». On dirait plutôt qu’à Dachau c’est la fin d’un camp qui a tout de même duré douze ans. La fin de l’oppression du SS allemand. Le déporté français est pris en charge par d’autres français de Dachau. La libération s’est réellement opérée le 30 avril. C’est en effet à cette date que « pour la première fois depuis 1933, des soldats sont rentrés » dans Dachau ; « des soldats qui ne voulaient pas le mal ». Car cette histoire tout simplement « inimaginable », cette catastrophe nazie comme le désigne le terme de shoah ne peut être qu’inimaginable, puisque l’histoire de l’homme en tant que déporté ne veut pas être sue. Celui qui ne l’a vécu ne peut réellement le savoir ou le croire. On ne veut non seulement pas le comprendre à la Libération mais on ne peut le comprendre. Le déporté demeure donc au final seul. On voit d’ailleurs que à peine libéré, il est mis à l’écart, il reste tout de même l’intouchable, le sale, le maigre, le méconnaissable. Pour les Alliés, les faits rapportés par le déporté sur la vie dans le camp de concentration sont tout simplement inimaginables. Le monde extérieur ne veut pas avoir accès à ce savoir effroyable (P 317 : « Frightful, yes, frightful ! Oui vraiment effroyable »). Tout à la fin, le déporté dit au narrateur « wir sind frei » (nous sommes libres), or cela reste tout de même ambiguë car le déporté même en étant libre reste emprisonné par cette histoire qu’est la sienne. Non seulement il le dit en allemand, la langue du SS « ce qui remet en cause sa liberté » ; mais il éprouve aussi des difficultés à relater son vécu étant donné que « l’autre » qui n’a pas été déporté, celui du monde extérieur ne peut avoir la même vision du camp que lui, il ne veut pas, il ne peut pas se mettre à sa place.
Le sens du livre
Finalement on peut admettre que L’espèce humaine nous révèle la solitude de l’homme face à la souffrance, la mort. Une souffrance qu’il ne peut partager. Non seulement cela nous montre que la nature a fait de l’homme un être qui, confronté à la question de la survie, laisse de côté toute forme de lien, d’unité ou plutôt de solidarité avec autrui. Mais cela pourrait aussi expliquer l’incompréhension à laquelle va être confronté le déporté à la suite de sa libération. De sorte, qu’en conclusion, peut être sommes nous en mesure de dire que l’homme reste toujours seul. Ce livre révèle aussi probablement l’aspect animal de la nature humaine, cet instinct de survie. De telle sorte que le déporté se conduirait autant que le SS comme une bête, un animal.
1 commentaire:
Tres bon résumé merci ça aide beaucoup pour le révisions :)
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